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Projet de loi sur le surendettement – Introduction de la faillite civile au Luxembourg mais les législateurs du pays préfère ne pas faire comme ces voisins la France et la Belgique

Ci-dessous, l’avis critique du partenaire de l’ECRC l’Union Luxembourgeoise des Consommateurs (ULC). Se félicitant de cette initiative législative dont l’objectif principal est d’introduire un système de faillite civile (rétablissement personnel permettant une ‘deuxième chance’), l’ULC n’est pas d’accord avec : La lourdeur de mise en œuvre de l’effacement total des dettes (qui dans certains cas ne pourrait-être prononcé qu’après 20 ans de procédure) ; Le manque de distinction entre le surendettement « actif » et « passif » (car le projet ne reflète pas la situation actuelle où les trois quarts des cas de surendettement résultent des accidents de la vie) ; Des textes qui utilisent des termes de débiteur abusif, peu scrupuleux ou malintentionné et parlent d’un mécanisme qui permette l’acquis des techniques et comportements nécessaires pour adapter son train de vie à sa situation de revenu.

Inter-Actions  rappelle que le risque de surendettement n’est plus limité à une classe sociale, que de plus en plus de situations de surendettement sont liées aux besoins vitaux, et que la situation économique actuelle se traduira par un risque accru de transition de l’endettement vers le surendettement.

L’ULC qui n’a pas été consultée sur les travaux préparatoires demande une modification du projet, à l’image du droit français, en introduisant une plus grande flexibilité et permettant un déclenchement rapide de la procédure de rétablissement personnel quand la situation du débiteur est irrémédiablement compromise. Il n’y a donc pas de critère de bonne foi du débiteur, il n’y a aucun délai imposé pour débuter la procédure, et la composition de la Commission de médiation ne comporte aucun représentant des consommateurs (une présence qui se justifie d’autant plus que le volet curatif du surendettement qui est l’objet exclusif de la présente loi peut de moins en moins être dissocié du volet préventif lié plus particulièrement au crédit responsable qui tombe directement dans le champ d’activités des organisations de consommateurs).

L’ULC s’inquiète aussi fortement du retard pris par les travaux préparatoires de la transposition de la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs, (qui devrait être adoptée et publiée avant le 12 mai 2010). L’ULC rappelle que cette directive contient de nombreuses options réglementaires concernant notamment le crédit responsable et n’affecte aucunement le pouvoir des Etats membres de renforcer les dispositions relatives aux pratiques commerciales comme le démarchage et les publicités.

Avec le soutien des partenaires de la coalition, L’ULC a raison de demander: une loi moderne concernant le surendettement, un renforcement radical de la loi relative au crédit, l’inclusion de l’éducation financière dans les programmes scolaires.

 

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Projet de loi sur le surendettement ( Document parlementaire N° 6021 ) - Avis de l’ULC -

L’Union Luxembourgeoise des Consommateurs se félicite de cette initiative législative dont l’objectif principal est d’introduire un système de faillite civile ( appelé « rétablissement personnel ») dans notre système légal consistant entre autres à permettre aux personnes qui sont irrémédiablement endettées de bénéficier d’une deuxième chance. Notre législateur répond ainsi au constat de « Euro Info Surendettement » qui regroupe les principaux acteurs de lutte contre le surendettement[1] dans la Grande Région Transfrontalière ( France, Belgique, Luxembourg ) : « Il apparaît que face à la situation irrémédiablement compromise de certaines personnes, les législateurs belge et français se soient rendus compte qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’accorder un ‘effacement’ total des dettes. On peut constater qu’au Luxembourg le législateur ne s’est pas encore orienté vers la même issue. » Le projet s’efforce de remédier à cette carence mais prévoit, hélas, une lourdeur de mise en œuvre pour ne pas «  créer un effet d’aubaine immédiat et sans contrepartie au profit d’un débiteur surendetté, qui même confronté à une situation inextricable, trouverait ainsi un moyen rapide pour bénéficier de l’effacement intégral de ses dettes. »[2]

Les auteurs du projet ne font guère de distinction entre le surendettement « actif » dû à un train de vie inconsidéré et le surendettement « passif » résultant des accidents de la vie qui sont la plupart du temps imprévisibles ( chômage, maladies/décès, divorce et autres problèmes familiaux,…). Le nouveau mécanisme comportant 3 phases ( 1. règlement conventionnel devant la Commission de médiation, 2. règlement judiciaire devant le juge de paix, 3. procédure de rétablissement personnel ) semble conçu uniquement en fonction du surendetté « actif » qui doit être responsabilisé voire culpabilisé davantage selon le projet. Le commentaire des articles est éloquent en utilisant plusieurs fois les termes de débiteur abusif, peu scrupuleux ou malintentionné. Les passages suivants résument bien l’approche des auteurs du projet : « Il s’agit d’éviter que le débiteur surendetté ait parcouru toutes les étapes de la procédure de règlement collectif des dettes sans avoir acquis les techniques et comportements nécessaires pour adapter son train de vie à sa situation de revenu [3] » ou encore « …éviter qu’un débiteur peu scrupuleux ne puisse brûler les étapes dans le seul but de bénéficier de la remise de dettes en capital suite au jugement de clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif.[4] » Il s’en suit que l’effacement des dettes dans les cas désespérés risque de n’être prononcé qu’au bout de 14 ans ( avis de Inter-Actions ) voire 20 ans ( avis de la Chambre des Salariés ) de procédure.

Il nous paraît incompréhensible que le projet ne reflète aucunement la situation actuelle où les trois quarts des cas de surendettement résultent des accidents de la vie ( avis de la Chambre des Salariés ). Sans même faire état des investigations approfondies des pays voisins dont le projet s’inspire ( voir notamment le Rapport du 17 octobre 2007 du Comité Economique et Social français sur le surendettement des particuliers ou encore la déposition de l’Observatoire du Crédit et de l’Endettement belge à l’audition publique du Parlement Européen du 3 juin 2008 sur «  Consumer Financial Education » ), il suffisait de prendre en compte les avertissements de Inter-Actions : « …Le risque de surendettement n’est plus limité à une classe sociale mais s’étend à travers toutes les catégories socio-professionnelles…les origines du surendettement sont de plus en plus complexes…Face à la situation économique actuelle, prévisions à la hausse du chômage, marché immobilier stagnant, l’équilibre financier de bon nombre de ménages se trouvera de plus en plus perturbé, ce qui se traduira par un risque accru de transition de l’endettement vers le surendettement. »[5] 

L’ULC n’a pas été consultée sur les travaux préparatoires mais souhaite exprimer avec force son désaccord profond avec l’approche moralisatrice et pénalisante du projet qui n’est manifestement pas apte à répondre au phénomène actuel du surendettement résultant de la crise profonde de notre système économique et financier. L’avis suivant d’un politicien belge semble également valable dans notre pays : « Concrètement, de plus en plus de situations de surendettement sont liées aux besoins vitaux. On ne s’endette plus pour acheter un écran plasma, mais pour payer des factures de soins de santé ou des dépenses énergétiques.. »[6] 

L’ULC soutient pleinement les critiques sévères émises dans l’avis de la Chambre des Salariés.[7] Sans entrer dans le détail des nouvelles dispositions proposées, l’ULC considère qu’il est primordial de modifier le projet, à l’image du droit français, en introduisant une plus grande flexibilité et un déclenchement rapide de la procédure de rétablissement personnel si l’instruction par la Commission de médiation conclut que la situation du débiteur est irrémédiablement compromise. Le droit français dont s’inspire notre projet de loi évite la lourdeur des étapes procédurales successives dans ce cas de figure, le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation proposant même d’accélérer encore davantage les procédures de surendettement en renforçant les pouvoirs des commissions de surendettement.[8] Pour éviter des abus de la part de débiteurs indélicats, le droit français retient le critère de bonne foi du débiteur que notre projet de loi récuse pour des raisons peu évidentes.[9] Autre faiblesse inadmissible du projet : aucun délai n’est imposé à la Commission de médiation pour statuer sur l’admission de la demande introductive à la procédure du règlement conventionnel formulée par le débiteur. Or, ce n’est qu’à partir de cette admission que les voies d’exécution et le cours des intérêts sont suspendus. L’ULC demande d’introduire à l’instar du droit français un délai de 3 mois à compter du dépôt du dossier pour examiner la recevabilité de la demande. Autre aspect litigieux : la Chambre des Salariés a raison d’exprimer ses plus grandes réserves quant à la composition de la Commission de médiation. A l’instar du droit français, nous sollicitons que des représentants soient nommés sur proposition des associations familiales ou de consommateurs. Nous nous félicitons que la Chambre des Salariés demande que l’Union Luxembourgeoise des Consommateurs soit représentée au sein de la Commission. Cette présence se justifie d’autant plus que le volet curatif du surendettement qui est l’objet exclusif de la présente loi peut de moins en moins être dissocié du volet préventif lié plus particulièrement au crédit responsable qui tombe directement dans le champ d’activités des organisations de consommateurs.

Le projet de loi précise que « l’ordonnancement du suivi social du débiteur s’entend comme une mesure à caractère à la fois préventif et curatif avec l’objectif de l’aider à surmonter les causes de son surendettement et de prévenir à des surendettements subséquents. »[10] En fait, le projet ne se soucie que du suivi social de personnes surendettées qui ont déjà dû passer par les « fourches caudines » des procédures d’apurement voire d’effacement de dettes contractées. En plus, le postulat reste le même : c’est le comportement personnel du débiteur qu’il faut amender au lieu de mettre le doigt aussi sur d’autres responsabilités. Il ne suffit plus de se contenter d’initiatives d’information ( dépliant sur le surendettement ou encore des cours et des formations auprès d’organisations spécialisées mentionnés dans le Rapport 2008 du Ministère de la Famille et de l’Intégration ), mais de s’attaquer en plus aux racines du phénomène actuel d’endettement de plus en plus élevé de couches de la population de plus en plus variées, à savoir mettre en place les garanties juridiques d’un crédit à la consommation responsable. L’ULC renvoie aux observations pertinentes de la Chambre des Salariés qui insiste notamment que « la transposition rapide de la directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs afin de promouvoir le crédit responsable permettrait de faciliter une politique de prévention. » L’ULC s’inquiète fortement du retard pris par les travaux préparatoires de la transposition de cette directive qui devrait être adoptée et publiée avant le 12 mai 2010. Cette échéance ne pourra manifestement pas être respectée. Ce qui importe le plus cependant est de s’assurer que cette transposition ne se résume pas à une nouvelle adaptation minimaliste de notre loi du 9 août 1993 réglementant le crédit à la consommation, cette fois avec l’excuse qu’il s’agit d’une directive d’harmonisation complète qui ne permettrait pas aux Etats membres d’être créatifs. Il n’en est rien, car cette directive contient de nombreuses options réglementaires concernant notamment le crédit responsable et n’affecte aucunement le pouvoir des Etats membres de renforcer les dispositions relatives aux pratiques commerciales comme le démarchage et les publicités. Dès maintenant, nous exhortons le législateur de s’inspirer de près des transpositions en cours en Belgique et en France où les autorités ont établi un lien organique indissociable entre une meilleure protection contre les crédits irresponsables et la prévention du surendettement.

En annonçant leurs projets de transposition de la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs, les gouvernements des pays voisins se sont exprimés comme suit :

- France / Conseil des ministres du 22 avril 2009 : « Le projet de loi vise tout d’abord à garantir une commercialisation responsable du crédit à la consommation et une meilleure prévention du surendettement….Pour développer le crédit responsable, le projet de loi vise à renforcer l’encadrement de la publicité afin de supprimer les pratiques agressives, rendre le crédit renouvelable plus responsable, renforcer les obligations et responsabilités des prêteurs notamment en matière d’évaluation de la solvabilité des emprunteurs, encadrer la distribution de crédit sur les lieux de vente et réformer les cartes de fidélité pour dissocier leur utilisation dans le but d’obtenir des avantages commerciaux de leur utilisation de crédit, introduire des règles de protection des consommateurs applicables aux activités de rachat ou regroupement de crédits… »

- Belgique / Communiqué du 25 septembre 2009 : « Le Conseil des ministres a sensiblement renforcé la loi sur le crédit à la consommation. Cette nouvelle réglementation s’intègre dans le cadre d’un plan global visant à mieux informer et protéger les consommateurs contre le surendettement, les pratiques malhonnêtes et la publicité trompeuse. Le plan prévoit en outre un contrôle plus strict des prêteurs et des intermédiaires de crédit. Enfin, une campagne est lancée dans les médias afin de sensibiliser les consommateurs aux pièges du surendettement…. »
L’ULC espère vivement que notre pays ne sera plus à la traîne en matière d’encadrement du crédit à la consommation et que le constat de « Euro Info Surendettement » ne sera bientôt plus justifié : « …on pourrait croire que par l’existence d’un marché unique, les textes des trois pays seraient proches voire similaires alors que la réalité est tout autre. Ainsi, les législateurs belge et français prévoient l’essentiel du contenu des directives et même les dépassent. Par contre, au Luxembourg, le législateur semble avoir donné une très grande marge de liberté au prêteur quant aux règles régissant le contrat de crédit. » Les dérives du système bancaire et financier, la présence massive de prêteurs non bancaires souvent à l’origine des crédits défaillants, l’ouverture des marchés et les flux financiers incontrôlés,

la percée des nouvelles technologies de communication et d’achat sur internet, n’autorisent plus notre pays à maintenir un encadrement réglementaire et de contrôle hyper-léger pour le crédit aux consommateurs.

En conclusion, l’ULC insiste que la prévention et la gestion du surendettement en ces temps de crise profonde de notre système économique et financier ainsi que de remise en cause de notre mode de vie ( impératifs d’une politique de développement durable ) requièrent des mesures conjointes dans les domaines suivants :

- une loi moderne concernant le surendettement pour traiter rapidement et prioritairement le cas des personnes et familles devenues insolvables suite à des événements qui ne peuvent guère leur être reprochés ;

- un renforcement radical de notre loi relative au crédit qui est utilisé de plus en plus pour pallier à l’insuffisance de ressources propres en ces temps de précarité et de pauvreté croissantes ;

- l’inclusion de l’éducation financière ( gestion d’un budget, épargne, crédit,…) dans les programmes scolaires en profitant des initiatives communautaires actuelles ( échange d’expériences nationales, modules du programme www.dolceta.eu destinés notamment à l’usage des enseignants ).

Howald
19 novembre 2009
 

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Liens :



[1] Pour le Luxembourg, il s’agit de Inter-Actions. Cette initiative est soutenue financièrement par l’Union Européenne et plusieurs autorités françaises et belges. Site : www.euroinfosurendettement.info

[2] voir page 33 dernier paragraphe du document parlementaire

[3] page 36 du document parlementaire

[4] ibidem

[5] Rapport d’activités 2008 – Service d’Information et de Conseil en matière de Surendettement (SICS) Inter-Actions, communiqué du 22 janvier 2009

[6] Article «  Le crédit facile prospère » dans le journal Le Soir du 14/15 mars 2009

[7] Document N° 6021(1) du 29.10.2009

[8] Projet de loi adopté en première lecture par le Sénat le 17 juin 2009 ( N° 98 Sénat )

[9] page 36 paragraphe 4 du document parlementaire

[10] Page 37 du document parlementaire


ID: 44797
Date de parution: 23/11/09
   
 

Created: 23/11/09. Last Changes: 23/11/09.
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