credit responsable

 
Page ID 1931 not accessible or does not exist
Etude ANIL : Les accédants à la propriété bousculés par la crise en Europe et en Amérique du Nord
LES ACCEDANTS A LA PROPRIETE BOUSCULES PAR LA CRISE EN EUROPE ET EN AMERIQUE DU NORD

Les marchés immobiliers du monde entier ont été frappés par la crise financière. Partout, le nombre de transactions et de constructions nouvelles s’est effondré. En revanche, les conséquences pour les accédants en cours de remboursement de leur prêt ont été très diverses selon les pays. Une distinction peut être établie selon que le taux des défaillances d’emprunteurs s’est élevé ou non en 2008 par rapport à 2007. Cependant, dans tous les pays, il faut prévoir la montée du chômage qui pourrait placer les emprunteurs dans l’impossibilité de faire face à leurs charges de remboursement. Cette étude dresse un état des lieux de la nature des difficultés rencontrées dans différents pays, s’efforce d’en analyser les causes et décrit les différents dispositifs d’aide que les gouvernements mettent en place pour aider les accédants, mais aussi pour éviter que ne s’enclenche une spirale de baisse des prix provoquée par les ventes forcées.

Lire le rapport ci-dessous...

---------------

LES ACCEDANTS EN COURS DE REMBOURSEMENT : DES SITUATIONS CONTRASTEES

ACCEDANTS INSOLVABLES ET EMPRUNTEURS EN SURSIS ?
Les marchés immobiliers du monde entier ont été frappés par la crise financière. Partout, le nombre de transactions et de constructions nouvelles s’est effondré. En revanche, les conséquences pour les accédants en cours de remboursement de leur prêt ont été très différentes selon les pays. Une distinction peut être établie selon que le taux des défaillances d’emprunteurs s’est élevé ou non en 2008 par rapport à 2007. Ainsi, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Espagne, les accédants ont-ils été frappés de plein fouet : le nombre des défauts de paiement et des saisies s’est envolé. A l’opposé, la France, comme l'Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie ou même le Canada semblent, pour l’heure, échapper à ce phénomène d’insolvabilité des accédants. Cependant, même dans ces pays, il faut prévoir la montée du chômage qui pourrait placer les emprunteurs dans l’impossibilité de faire face à leurs charges de remboursement. C’est ce qui conduit la plupart des gouvernements à mettre en place ou à prévoir divers dispositifs pour leur venir en aide, mais aussi pour éviter que ne s’enclenche une spirale de baisse des prix provoquée par les ventes forcées.

INSOLVABILITE ET « NEGATIVE EQUITY »
Les accédants en cours de remboursement peuvent être confrontés à des difficultés de divers ordres.
L’INSOLVABILITE : dans tous les pays, les accédants éprouvent, ou pourraient éprouver à l’avenir des difficultés pour faire face à leurs mensualités de remboursement, le plus souvent du fait d’une perte d’emploi. Cette insolvabilité peut aussi provenir de la croissance des mensualités liée au profil du prêt. Ce dernier cas de figure concerne pour l’essentiel les prêts à taux d’appel proposés aux Etats-Unis et qui ont été le premier déclencheur de la crise des subprime. Il s’agit de prêts de trente ans dont les mensualités progressent de façon très importante à partir de la troisième ou de la quatrième annuité.

LA NEGATIVE EQUITY : un autre cas de figure, évidement non alternatif, correspond à la situation des accédants dont la dette hypothécaire est supérieure à la valeur du logement. Cette situation piège les accédants qui, en cas de revente, auront à faire face à une dette résiduelle. Ils ne peuvent donc pas déménager, par exemple pour trouver un nouvel emploi. De plus, un débat existe aux Etats-Unis, dont la moitié des Etats membres limitent la dette du particulier à la valeur du gage1 pour savoir si certains accédants, bien qu’en mesure de faire face à leurs charges de remboursement, seraient incités à rendre leur logement à la banque pour solde de tout compte, dès lors qu’ils constatent que leur dette est supérieure à la valeur de leur logement. En Europe, le droit ignore en général ces formules dites non recourse, et la dette de l’emprunteur s’étend à l’ensemble de son actif, full recourse. Mais les profanes ne sont pas toujours au fait de ces subtilités juridiques et les banquiers anglais et espagnols déplorent que certains emprunteurs aient le sentiment qu’il leur suffit effectivement de rendre le logement pour se libérer de toute dette. Comme l’actif non immobilier du particulier saisi est souvent inexistant, le prêteur confronté à cette situation se trouve désarmé. Les banquiers espagnols préfèreraient que la loi prenne acte de cette incompréhension2, mais instaure en contrepartie une procédure de récupération du gage plus rapide et moins coûteuse. Mais ce qui est plus grave, la dette résiduelle représente pour l’accédant saisi une charge potentielle qui réapparaîtra dès que sa situation s’améliorera. En outre, la situation de negative equity interdit de fait la mise en place de certaines procédures d’aide : il est normalement interdit de refinancer des prêts lorsque le montant de la dette est supérieur à la valeur du logement ; il est également difficile, dans ce cas, de mettre en place un rachat avec maintien dans les lieux de l’accédant.
��
LES FACTEURS DE RISQUE POUR LES ACCEDANTS
Il n’est pas surprenant que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne soient les plus durement touchés par la crise : celle-ci a été déclenchée par le dérèglement du marché des subprime américain, quant à la croissance britannique et espagnole, elle reposait respectivement sur les services financiers et sur le secteur immobilier. Pour aller plus loin, sans revenir sur les causes profondes d’une crise qui trouve son origine dans les excès de liquidités qui résultent du déséquilibre entre des pays hyper-épargnants et des pays hyper-consommateurs, il reste à expliquer pourquoi les accédants de certains pays sont directement déstabilisés par la crise immobilière, alors que d’autres, s’ils doivent être touchés, ne le seront que par les conséquences du chômage provoqué par la crise économique. L’examen du cas de sept pays à économie ouverte conduit à porter l’attention sur trois éléments : l’équilibre des statuts d’occupation et l’endettement, l’organisation de la filière du crédit et la réglementation des produits financiers.

L’équilibre des statuts d’occupation et l’endettement

En Allemagne, la demande de logement est globalement satisfaite, le taux de propriétaires parmi les plus bas d’Europe et le taux d’endettement résidentiel (dette hypothécaire rapportée au PIB) également bas. Les Pays-Bas associent faible taux de propriétaires et niveau très élevé de l’endettement. Le Canada présente un exemple inverse : le pourcentage de propriétaires occupants est élevé, 68 %, mais la dette résidentielle rapportée au PIB, est d'un niveau moyen, 45,6 %. L’Italie a plus de 80 % de propriétaires, mais moins de 20 % d’accédants. A l’inverse, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne cumulent un fort, voire très fort taux de propriétaires et une dette résidentielle élevée. L'Espagne illustre les conséquences de l’absence d’un parc locatif suffisant : c'est un des pays où les jeunes ont le plus de mal à se loger, ce qu'atteste l'âge tardif de leur décohabitation, et c'est aussi l'un de ceux où le nombre de logements officiellement vacants, notamment de logements neufs invendus (plus de 500.000 unités3), est le plus élevé. Le rythme de constructions de ces dernières années a été extrêmement rapide, mais ces logements n’ont été destinés qu’à la vente. Les ménages n’ayant pas d’autre solution pour se loger, la croissance des prix et l'endettement des ménages ont suivi un rythme identique. La proportion de ménages ayant un prêt immobilier en cours était en 2005 de 45 % aux Etats-Unis, de 40 % en Grande-Bretagne et de 20 % dans la zone euro4. Devrait être intégré à cette analyse, le niveau global d’endettement des ménages en agrégeant crédit hypothécaire et crédit à la consommation : on sait que dans les pays qui pratiquent l’extraction hypothécaire, c'est-à-dire qui permettent aux emprunteurs de tirer parti de la différence entre leur dette et la valeur du logement pour recharger leur crédit, l’essentiel du crédit à la consommation vient grossir la dette hypothécaire. C’est une pratique très développée aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. En France, le pourcentage d’accédants est faible dans les dossiers des commissions de surendettement5, 8 % alors qu’il était de l’ordre de 40 % au début des années 90, mais les crédits à la consommation souscrits par les accédants peuvent suffire à déstabiliser un budget.
L’examen de la situation actuelle permet cependant de conclure que les accédants des pays qui associent un très fort taux de propriétaires et un endettement résidentiel élevé sont les plus fragilisés.

Mais l’équilibre des rapports entre locataires et propriétaires importe également. Deux exemples l’illustrent. Les banquiers espagnols ont présenté au Parlement6 un certain nombre de mesures destinées à surmonter la crise. Ils souhaiteraient recycler vers la location, éventuellement à titre transitoire, les logements invendus ou ceux qui sont occupés par des accédants qui ne peuvent plus faire face à leurs charges de remboursement. Or, ils s’estiment dans l’impossibilité de le faire du fait la lourdeur des frais qui pénalisent chaque mutation et de l'absence d'un cadre locatif adapté. Les mesures qu’ils préconisent ont pour objet d’une part de développer un secteur locatif, aujourd'hui inexistant et d’autre part, de faciliter les changements de statut et les mutations en général, en en réduisant les taxes qui les grèvent et en simplifiant les procédures grâce à une formule de type non recourse : la dacion en pago. La Grande-Bretagne présente un exemple opposé puisque les mutations y sont faciles et peu coûteuses, mais l’absence d’un cadre locatif protecteur place les accédants dans une insécurité totale dès lors qu’un investisseur sans scrupule rachète le prêt qu’ils ne peuvent rembourser : l’investisseur les maintient dans le logement en tant que locataire, avec un short-term-lease, bail qui permet de se débarrasser du locataire dès qu’une opportunité se présente.

En ce sens, la crise aura montré qu’une répartition équilibrée du parc de logements entre divers statuts d’occupation, propriété occupante, locatif public, locatif social est un facteur stabilisant et sécurisant, surtout si la fluidité entre les parcs n'est pas trop coûteuse.

L’ORGANISATION DE LA FILIERE DU CREDIT
La façon dont les prêts sont fabriqués, gérés et financés joue également un rôle dans le niveau de risque supporté par les ménages. Plusieurs éléments sont à prendre en compte : qui intervient dans la vente et la gestion des prêts, qui supporte les risques et d’où proviennent les fonds qui servent à financer les prêts ?

LA DIVISION DES TACHES AU SEIN DE LA FILIERE DU CREDIT
Le dégroupage de la filière du crédit, c'est-à-dire le découpage des différentes phases de la vie d’un crédit entre des intervenants distincts, celui qui vend le crédit, originator, celui qui le gère, le servicer, et l’investisseur qui porte les titres hypothécaires, est également un facteur déresponsabilisant. Le vendeur de crédit n’a pas à se soucier des incidents futurs et il est libéré des contraintes de fonds propres et de maturité des crédits. Sa logique est celle d’un courtier, il n’est d’ailleurs pas rare qu’un courtier s’ajoute à la chaîne des intervenants. Un prêt est acceptable et peut être vendu à l’accédant, dès lors qu’il peut être transféré au marché. Le vendeur de crédit peut faire prendre aux autres, accédants ou investisseurs, des risques dont il s’exonère. De surcroît, l’absence de tout lien entre le créancier et le débiteur interdit toute négociation dans l’amortissement du crédit, négociation qui peut profiter à l’accédant comme à l’investisseur. Le débat n’est pas entre établissements spécialisés et banques universelles, mais il importe de savoir si l’établissement qui a vendu le prêt supportera ou non les conséquences des défaillances de l’emprunteur. La filière de crédit est dégroupée aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ; elle ne l’est pas en Espagne, où les banques conservent la gestion des prêts qu’elles ont vendus.

LE RECOURS A UNE ASSURANCE OU A UNE GARANTIE EXTERNE
Une partie du risque lié aux prêts peut être externalisée et portée par des instances spécialisées comme les assurances hypothécaires. Les fonds de garantie jouent un rôle identique à la demande des pouvoirs publics pour inciter les banques à offrir des crédits à des ménages auxquels ils souhaitent permettre d’accéder à la propriété. En cas de sinistre, la perte de l’établissement prêteur est prise en charge, en partie ou en totalité, par l’assurance ou par le fonds. C'est le rôle joué en France par le FGAS / Fonds de garantie de l’accession sociale, aux Etats-Unis par la FHA / Federal Housing Administration, par le Fonds de garantie hollandais, le Stichting Waarborgfonds Eigen Woningen ou même par la SCHL / Société canadienne d’hypothèque et de logement. Dans la mesure où les assurances comme les fonds de garantie sont des spécialistes du risque qui ont la possibilité de définir ou de normer les caractéristiques des prêts qu’ils assurent, peut-on considérer qu’ils constituent un élément de sécurité supplémentaire ? L’expérience des canadiens semble le montrer, puisque avec 70 % de propriétaires, ils ont peu de sinistres. La loi canadienne exige une assurance contre les risques d'insolvabilité pour les prêts dont le ratio prêt/valeur excède 80 %. Cette assurance peut être prise auprès de diverses sociétés, la principale étant la Société Canadienne d’hypothèque et de logement. De ce fait, les demandes de prêts sont examinées de façon très stricte par ceux qui supporteront directement les conséquences des sinistres. Cependant, la pratique de la FHA / Federal housing administration ou des assurances hypothécaires, dites monoline, aux Etats-Unis vient tempérer ce constat. Leur rôle n’était pas très différent. Mais la FHA a été mise hors jeu par l'administration républicaine qui n'a pas réévalué ses paramètres d'intervention pour tenir compte de l'évolution des prix des logements. De plus, beaucoup de prêteurs l’ont contourné car les contraintes introduites par les normes d'éligibilité n’étaient pas compensées par l’avantage apporté par l’assurance publique. Quant aux assurances monoline, elles ont aussi mal mesuré le risque que les investisseurs l’ont fait et plusieurs d’entre elles ont fait faillite. Il reste qu’un fonds de garantie dont le rôle serait élargi à la sécurisation des emprunteurs eux-mêmes pourrait constituer un instrument utile d’encadrement du secteur le plus social de la filière d’accession.

LES MODALITES DE FINANCEMENT DES PRETS
La façon dont le prêt est financé joue également dans le risque supporté par l’établissement prêteur. Il est difficile d’obtenir pour chaque pays une répartition de l’adossement des prêts entre les trois modalités principales : les ressources dites de bilan (dépôts, trésorerie de l’épargne-logement en France etc.), les obligations couvertes et la titrisation. Sans entrer dans des détails que l’on trouvera notamment dans le rapport de la Banque centrale européenne7, on comprend que les établissements de crédit seront particulièrement attentifs au risque pour des prêts adossés aux dépôts de leurs clients et qu’ils seront engagés de la même façon pour les obligations couvertes qui restent dans leur bilan. En revanche, le recours à la titrisation peut à la fois les libérer des contraintes de fonds propres, du souci de la maturité des prêts, mais surtout du risque lié à la défaillance de l’emprunteur, sauf lorsque l’établissement de crédit en conserve une partie pour rassurer l’investisseur. C’est surtout le cas lorsque les modalités de la titrisation repose sur un découpage opaque des prêts en tranches de risque, ce qui interdit toute traçabilité des créances et, par la suite, toute renégociation des prêts en cours. Tant la titrisation que les obligations couvertes ont vu leur part dans l’adossement des prêts augmenter pour accompagner la progression des prix et du volume de transactions qui ont caractérisé la dernière décennie. La part de la titrisation, supérieure à 50 % du montant des prêts aux Etats-Unis, est de l’ordre de 27 % en Grande-Bretagne8 en 2005, mais beaucoup plus faible dans la zone Euro, de l’ordre de 7 %. Cependant, cette proportion s’est très rapidement élevée en Espagne, jusqu’à atteindre 31 % en 2007, volume auxquels sont venus s’ajouter près de 15 % d’obligations couvertes. Les sommes titrisées par l’Espagne ont progressé de 65 % par an au cours de la dernière décennie, croissance qui a permis et accompagné la fièvre spéculative de l’activité immobilière. En 2007, l’Espagne a été à l’origine de près de la moitié des prêts titrisés par des établissements de crédit de la zone Euro. Pour l’Europe, les proportions seraient les suivantes : 60 % pour les dépôts, 17 % pour les obligations couvertes et 17 % pour la titrisation.

LA REGLEMENTATION DES PRODUITS FINANCIERS
Si aux yeux de certains, la réglementation est par nature contreproductive, elle s’est avérée, notamment en France, d’une grande efficacité pour écarter toutes les dérives qui ont été décrites à l’occasion de la crise. Elle est de surcroît difficile à contourner. C’est vrai de la définition d’un produit comme l’extraction hypothécaire. Les modalités dont elle a été assortie en France en 2006, sous le nom d’hypothèque rechargeable, notamment l’interdiction de réévaluer la valeur du gage pour tenir compte de la hausse des prix en limitent le développement mais aussi les risques. Les ménages ne peuvent tirer parti de l'augmentation du prix du logement qu’ils sont en train de rembourser pour accroître leur dette et leurs dépenses de consommation ; ceci favorise un amortissement régulier des prêts et réduit le niveau global d'endettement résidentiel. De ce fait, la negative equity n’est pas, ou pas encore, un sujet en France.

Les mêmes observations peuvent être faites pour les différentes prescriptions concernant le profil des prêts : apport personnel minimum, taux fixes ou taux variables, taux variables avec ou sans cap pour certaines catégories d’emprunteurs, possibilité d’amortissement négatif, taux d’appel, durée des prêts, indemnités de remboursement anticipé. Les accédants les plus malmenés ont été ceux qui avaient souscrit des prêts à taux variables : en Espagne, c’est le cas de l’essentiel de la production ; aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, les emprunteurs à risque ont été orientés vers les taux variables. On notera qu’aux Etats-Unis, le profil des prêts proposés aux emprunteurs subprime correspondait précisément à ce qui était proscrit par la FHA : n’étaient autorisés que des prêts à taux fixe et sans pénalité en cas de remboursement anticipé.

Enfin, la réglementation peut interdire que soit vendus aux ménages des produits dangereux, soit explicitement, soit en rendant impossible la facturation des risques les plus élevés ; c’est l’un des effets de la loi sur l’usure en France. Mais il n’est pas certain qu’une réglementation des produits puisse avoir un sens hors d’un marché déterminé : ainsi la FSA / Financial services authority britannique s’interroge-t-elle actuellement sur le caractère souhaitable d’un apport personnel minimal. Or en France les prêteurs financent sans trop de risque des prêts à 100 %.

L’INFORMATION DES ACCEDANTS
Enfin, l’existence d’un système d’information de qualité doit être mentionnée. Nombre d’établissements de crédit semblent, dans les circonstances présentes, convaincus de la nécessité d’offrir une information distincte de celle qu’ils donnent eux-mêmes ou que donne le professionnel de la transaction ou de la construction. Robert J. Schiller qui fait autorité et qui a pour lui d’avoir prévu la crise, fait dans son dernier ouvrage de la mise au place d’un système d’information des accédants, indépendant des prêteurs, des courtiers et des agents, la première condition de maîtrise du risque et de bon fonctionnement du marché10. Un tel système existe déjà aux Etats-Unis et son coût peut même être déduit des impôts. Mais cette modalité de financement en réserve l’usage aux ménages aisés alors qu’il faut s’assurer que les plus modestes y recourent. Le système que propose Robert J. Schiller n’est pas très éloigné de ce qui existe en France.

LES FILETS DE SECURITE ET LES SYSTEMES DE PROTECTION SOCIALE
Il va sans dire que l’on ne peut pas faire abstraction de tous les dispositifs de sécurité qui peuvent venir amortir les conséquences de ce que l’on appelle les accidents de la vie. Certains de ces dispositifs sont sectoriels et ils ne touchent pas nécessairement tous les accédants, toutes les opérations ou toutes les régions. Pour ne prendre que l’exemple français, il faudrait mentionner les aides personnelles, les assurances diverses et notamment l’assurance perte d’emploi, le SECURI-PASS du 1 % logement, les diverses sécurisations dont bénéficient les prêts PAS garantis par le FGAS, les garanties de rachat HLM, les aides octroyées par les Fonds départementaux d’aide aux accédants en difficulté, les plans que peuvent mettre en place les commissions de surendettement.
Cet examen comparatif du cas de sept pays montre qu’il ne faut pas chercher une cause unique à la plus ou moins grande fragilité des accédants face à une crise systémique comme celle qui vient de se produire. En laissant de côté les dysfonctionnements, par exemple la défaillance des agences de notation, ou les comportements crapuleux, comme les fausses déclarations remplies par certains courtiers, on arrive à une conclusion un peu décevante tant elle est conforme à ce que le bon sens suggère. La crise ne remet pas en cause les politiques d’encouragement à l’accession, mais elle met en évidence la nécessité d’offrir aux ménages le choix entre plusieurs statuts d’occupation. De la même façon, elle incite à veiller à la perméabilité entre les statuts et à l’équilibre des rapports entre les parties au sein de chaque statut. Le prix des logements sera d’autant plus sensible aux mouvements de taux que la proportion des accédants sera élevée et la vulnérabilité de ces derniers augmentera avec leur niveau d’endettement. Les mécanismes qui permettent d’externaliser le risque, c'est-à-dire de le transférer de celui qui accorde le prêt au ménage ou même à l’investisseur sont dangereux. Ils libèrent le prêteur des conséquences du mauvais déroulement de l’opération qu’il a initiée. Ils le privent ainsi de toute incitation à porter attention au risque. Ils nuisent à la traçabilité des risques et interdisent une gestion active de l’amortissement du prêt négociée entre prêteurs et emprunteurs ; or le remboursement d’un prêt de longue durée doit laisser place à un traitement de l’imprévu. Plus fondamentalement, il nuit à la transparence de l’information indispensable dans une économie de marché. Ajoutons que la sécurité de la filière de l’accession vient s’intégrer à l’ensemble du système de protection sociale de chaque pays. La comparaison entre la situation de différents pays montre que, dans une économie globalisée, les pouvoirs publics gardent tout pouvoir sur la réglementation des produits, la protection et l’information du consommateur, qui restent des outils parfaitement efficaces et difficilement contournables.

PREVENIR LES DIFFICULTES : LA CONVERGENCE DES REMEDES
Les dispositifs qu’ont mis ou que vont mettre en place les pays européens ne peuvent s’apprécier qu’en fonction des systèmes de protection sociale et plus précisément d’indemnisation de la perte d’emploi. On se contentera d’évoquer ici la distinction de Jean-Philippe Cotis qui oppose plusieurs modèles11. Le modèle à l’américaine, où les indemnités de chômage et la protection de l’emploi sont faibles, les politiques de reclassement des chômeurs peu actives, mais où les retours à l’emploi sont spontanément rapides. Le modèle nordique, où les indemnités sont généreuses et les politiques de reclassement actives et efficaces et le modèle français où la protection de l’emploi est forte, l’indemnisation plutôt généreuse, mais les politiques de reclassement peu efficaces et le retour à l’emploi long. Nous avons cependant fait le choix de lister les dispositifs mis en place ou prévus dans un certain nombre de pays12. Leur existence montre en effet qu’il s’agit d’une préoccupation partagée par la plupart des pays européens.

PRESERVER SI POSSIBLE LE PROJET, AU MOINS LE LOGEMENT
Les mesures déjà adoptées ou encore à l’étude ont toutes pour objectif de permettre aux ménages de poursuivre leur projet ou, lorsque cela apparaît comme impossible, de les maintenir dans leur logement comme locataire. Pour y parvenir, les moyens sont de plusieurs ordres.
Le premier consiste en un allégement provisoire des mensualités accompagné d’un allongement de la durée de remboursement du prêt. Deux problèmes se posent alors : qui supporte le coût du risque supplémentaire lié à l’allongement d’un prêt déjà fragilisé ? Qui paie les intérêts du report ? Peut-on écarter de façon systématique les indemnités qui sont normalement exigibles par le prêteur en cas de retard.
Le deuxième prend la forme d’un rachat partiel ou total du logement et le maintien de l’occupant en tant que locataire. Cette formule s’accompagne en général d’une clause de retour éventuel au statut de l’accédant, en cas d’amélioration de la situation du ménage. C’est ce que la France a pratiqué avec le RAPAPLA / Rachat d’un PAP par un PLA et les anglais sous le nom de mortgage rescue à la fin des années 80. La question est de savoir qui rachète, qui supporte le coût et de quelle garantie bénéficie l’accédant devenu locataire. Il peut aussi s’agir de réduire les taxes et les frais divers entraînés par des mutations successives. Il faut noter que l’existence d’une negative equity interdit souvent la mise en place d’un rachat avec maintien dans les lieux de l’accédant.
S’ajoute à cela, l’intervention des modifications de procédures, imposées ou recommandées aux prêteurs pour la gestion des impayés, destinées à éviter les saisies. Une différence importante entre pays tient à la part prise par les pouvoirs publics dans le financement de ces dispositifs.

LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE DANS LES PAYS EUROPEENS
ESPAGNE
* Allègement des mensualités
Les emprunteurs ayant perdu leur emploi après septembre 2008, ayant un prêt inférieur à 170 000 €, peuvent repousser 50 % de leur mensualité dans la limite de 500 € pour deux ans, porté à trois ans depuis février 2009. Les emprunteurs supportent les intérêts liés au report. L’Etat couvre le risque lié à l’allongement.
* Rachat avec changement de statut
La fédération des banquiers hypothécaires souhaiteraient pouvoir racheter eux-mêmes le logement, éventuellement à titre transitoire, en y maintenant l’accédant.

GRANDE-BRETAGNE
* Allègement des mensualités
- Income Support for Mortgage Interest (ISMI)
L’Etat paie les intérêts des prêts de ceux qui sont au chômage pour les prêts d’un montant maximum de 100.000 £ ; ce montant a été porté à 200.000 £ en février 2009. En février 2009, la durée d’attente après la perte de l’emploi est passée de trente-neuf semaines à treize.
- Homeowner Mortgage Support Scheme
Encore à l’état de projet. Prévoit la possibilité pour les accédants de différer une partie de leur mensualité pour un an renouvelable pour les prêts d’un montant inférieur à 400.000 £.
L’accédant paie les intérêts supplémentaires, mais l’Etat garantit le paiement des intérêts supplé-mentaires liés à l’allongement.
* Rachat avec changement de statut/ Mortgage rescue
- Shared equity
Un equity loan accordé par une housing association pour réduire la mensualité de l’accédant. Destiné à réduire la mensualité des accédants qui sont en propriété partagée, shared ownership. Cette possibilité est réservée à ceux qui ont à faire face à des frais supplémentaires mais devraient garder leur emploi
- Government mortgage to rent
Une housing association reprend le prêt et l’accédant paie un loyer.
Ces deux formules ne sont pas praticables pour les ménages dès lors que la dette est supérieure à la valeur du logement en propriété partagée.
- Lutte contre le buy-to-let spéculatif
Une réglementation devrait intervenir pour limiter les agissements de spéculateurs, investisseurs-bailleurs qui reprennent le prêt des accédants, en les maintenant dans le logement en tant que locataire, avec un short-term-lease. Ce type de bail leur permet de se débarrasser du locataire dès qu’une opportunité se présente.

IRLANDE
Le code de conduite sur les arriérés, volontaire est devenu obligatoire en février 2009. Il interdit aux prêteurs d’entamer une procédure avant six mois d’impayés.

ITALIE
* Allègement des mensualités
Il s’agit d’une possibilité ouverte à tous les accédants sans plafond de revenu ni de prix. En cas de perte d’emploi, l’emprunteur peut bénéficier de dix-huit mois sans amortissement. L’Etat paie aux établissements de crédit le coût de l’adossement de l’allongement.

PORTUGAL (PROJET NON PUBLIE)
* Allègement des mensualités
En cas de perte d’emploi, réduction des mensualités de 50 %, pendant deux ans. Le remboursement interviendra en cours d’amortissement du prêt.
* Rachat avec changement de statut
Projet de fundos des investimento imobiliario para arrendamento habitational - Rachat temporaire de logement d’accédants en difficulté - Paiement d’un loyer et retour à l’accession possible.

ETATS-UNIS
Les Etats-Unis rencontrent des difficultés particulières, déjà analysées13, qui tiennent aux effectifs d’accédants en difficulté, à la diversité des législations selon les Etats, au profil des prêts et à la titrisation.
La titrisation, le découpage en tranches opaques des risques dans les titres hypothécaires, la pratique des prêts de second rang, piggyback-loans, interdisent toute renégociation avec un prêteur susceptible d’accepter une légère réduction de sa créance pour éviter une perte plus importante. Le Trésor a tenté sans succès de persuader les prêteurs d’effacer les créances de second rang, ce qui a été refusé par les investisseurs concernés. Le problème vient de ce que les créances de premier et de second rang ne sont pas détenues par les mêmes investisseurs.

FRANCE
La façon dont nous serons capables de faire face à la vague éventuelle des accédants malmenés par le chômage constituera un test pour la filière de l’accession.
A la demande de Michel Piron, président du Conseil national de l’habitat, un groupe de travail devrait faire des propositions adaptées à la situation française.
Pour ce qui les concerne, les ADIL ont entrepris de préciser leur doctrine et leur technique en matière de conseil aux accédants en difficultés : un document va réunir tous les éléments juridiques et pratiques pour apporter une réponse aux situations particulières des personnes qui pourraient venir les consulter. Comme à l’accoutumée, elles s’efforceront d’intervenir le plus en amont possible. Les ADIL prévoient d’avoir à faire face à des situations très différentes : elles pourront être consultées en prévision de difficultés à venir, après la survenance des premiers impayés, ou plus tard dans la phase judiciaire, lors de la vente ou de la saisie. Une réponse devra être apportée à ceux qui auront dû renoncer à leur logement et les questions de relogement ne devront pas être laissées de côté. Souhaitons que ces travaux restent théoriques, mais il s’agit pour le réseau de l’ANIL d’être prêt à faire face à des difficultés qui ne se sont pas encore manifestées.

Bernard Vorms (ANIL)

ID: 42789
Auteur(s): ECRC
Date de parution: 23/04/09
   
URL(s):

Téléchargez l'étude ANIL au format pdf
 

Created: 24/04/09. Last Changes: 24/04/09.
Information concerning property and copy right of the content will be given by the Institut For Financial Services (IFF) on demand. A lack of explicit information on this web site does not imply any right for free usage of any content.